Une piste pour soigner les troubles de l’apprentissage

Paru dans le Ligueur des parents du 14 mars 2018

Lenteur, mots oubliés, manque d’attention… nombre d’enfants rencontrent ces difficultés durant leur scolarité sans qu’on en trouve la cause. Des thérapeutes sont allés voir du côté des réflexes archaïques pour tenter de trouver des solutions.  

Élise mémorise avec d’énormes difficultés. Elle n’arrive pas à se concentrer, à rester attentive. Pour elle, impossible de noter ce que dit le professeur : soit elle écoute, soit elle écrit… Pourtant, elle est intelligente et de bonne volonté. Adrien, lui aussi, a d’importantes difficultés d’attention. En classe, il est affalé sur son bureau ou bien il appuie la tête sur l’avant-bras. Son écriture est irrégulière, ses résultats scolaires décevants. Il est intelligent, mais on le croit paresseux : il devrait se secouer ! Au fil du temps, le garçon se dévalorise… Ainsi une thérapeute décrivait-elle les enfants concernés par les troubles de l’apprentissage (et particulièrement de l’attention), lors d’une conférence au sujet de la persistance des réflexes archaïques et de leur lien avec ces troubles. Les parents présents se disaient sidérés de découvrir des descriptions si précises de leur fils ou leur fille. Cette théorie serait-elle une piste à explorer, un espoir ? Les praticiens (psychologues, psychomotriciens…) formés à cette théorie sont, eux, évidemment convaincus de sa pertinence.

De quoi s’agit-il ?

In utero ou juste après la naissance, tout bébé fait différents mouvements totalement involontaires : il suce, il agrippe, il marche quand on le tient debout… Il s’agit là de réflexes dits « archaïques » ou « primitifs ». Pourquoi se manifestent-ils ? Parce que si toutes les parties du cerveau du bébé existent bel et bien, elles ne sont pas encore correctement connectées. Ces mouvements réflexes permettent le développement des fibres nerveuses qui, peu à peu, vont construire le réseau de communication du système nerveux. Ces mouvements réflexes se répètent et finissent par ne plus se voir pendant les premiers mois ou la première année de la vie. Intégrés, ils sont alors remplacés par des mouvements volontaires. Ces « réflexes primitifs » laissent la place au développement des « réflexes posturaux ». Ceux-ci sont les réflexes que l’on doit pouvoir observer tels que lorsqu’on tombe, on met ses mains en avant pour se rattraper. Lorsque ces réflexes archaïques ne sont pas intégrés, lorsqu’ils persistent – parce que les connexions nerveuses ne sont pas complètes -, ils pourraient expliquer certains troubles de l’apprentissage. Parfois, suite à un événement particulier, un choc émotionnel, ces réflexes peuvent réapparaître.

Vers les difficultés scolaires

Parmi l’ensemble des réflexes archaïques, il existe ce qu’on appelle le réflexe tonique symétrique du cou. Il se développe entre 6 et 9 mois et s’intègre entre 9 et 11 mois : bébé allongé sur le ventre met la tête vers l’arrière pour relever le haut du corps. Ses bras se raidissent et ses jambes se plient. Inversement, quand il baisse la tête, ses bras se plient et ses jambes se déplient. C’est ainsi qu’il arrive à trouver un équilibre et à se déplacer à quatre pattes. Pour que l’enfant puisse marcher à quatre pattes correctement, il est important que la position des bras et des jambes ne soit plus dépendante de la position de la tête. En répétant les mouvements liés au réflexe tonique symétrique du cou, le bébé renforce son tonus musculaire du dos et de la nuque et développe de la force dans le haut des bras et du corps. L’enfant finira également par acquérir la capacité d’adapter sa vue très rapidement à des distances différentes. Il acquerra « l’accommodation ». Comment cela se passe-t-il ? Mis sur le ventre, un bébé voit un mini-papier tout proche : quand il lève la tête, il découvre les pieds de l’armoire à un mètre et plus loin, une fenêtre… Peu à peu, ses yeux apprennent à s’accommoder aux différentes distances : il peut passer facilement, instantanément, du plus proche au plus lointain. L’enfant qui n’a pas acquis ce réflexe tonique symétrique du cou – peut-être parce que trop souvent resté sur le dos ? – n’arrive pas à copier normalement un texte écrit au tableau : ses yeux ont besoin de temps pour s’accoutumer à lire à distance, puis, à l’inverse, pour s’accoutumer à lire devant lui. C’est un enfant lent, qui va faire des fautes, oublier des mots… Et si l’enseignant·e parle en même temps, il ne l’entendra pas. Sa lenteur et ses fautes, son manque d’attention dira-t-on, s’expliquent par l’importante énergie qu’il doit réunir pour passer du tableau au cahier, du cahier au tableau. Autre conséquence de la persistance du réflexe archaïque : cet enfant aura du mal à Enfin, l’enfant chez qui ce réflexe n’a pas été intégré va s’asseoir sur les talons ou bien « en W » ou encore se coucher sur son bureau. Avec le même résultat : sa concentration et son énergie ne seront plus disponibles pour d’autres tâches.

Pourquoi ces arrêts ?

De multiples raisons pourraient expliquer pourquoi ces réflexes primitifs n’ont pas pu être intégrés : une naissance compliquée, un événement stressant ou traumatisant, une maladie ou une blessure ou encore le manque de mouvements appropriés pendant l’enfance, par exemple suite à l’emploi permanent d’un relax ou d’un trotteur… Les thérapeutes soulignent qu’ils peuvent être travaillés et dépassés plus tard. Le traitement – court, doux et sans médication – consiste en la répétition des mouvements réflexes non intégrés, donc tels que le bébé les manifeste. La thérapeute que nous avons rencontrée estime que, la plupart du temps, six séances de traitement permettent de nets progrès. Nouveau et non encore pris en compte par les mutuelles, ce traitement considéré comme non médical, ne donne droit à aucun remboursement. Il n’est donc pas accessible à toutes les familles.

Thérèse Jeunejean

EN PRATIQUE

LES DIFFÉRENTS RÉFLEXES ARCHAÏQUES

► Réflexe de succion, quand on touche la commissure des lèvres. Permet l’alimentation. ► Réflexe de préhension, quand on stimule la paume de la main ou la voûte plantaire. Aide au lien d’attachement entre les parents et l’enfant. ► Réflexe de Moro, réaction à un stimulus soudain (lumière, son…). Permet d’identifier une anomalie musculosquelettique ou neurologique. ► Réflexes de redressement et de la marche automatique. ► Réflexe de fouissement, le nouveau-né rampe jusqu’au sein maternel et cherche le mamelon. ► Réflexe des points cardinaux, quand on touche la joue. Facilite l’allaitement au sein. ► Réflexe de survie, lorsque couché sur le ventre ou visage couvert, le bébé tente de dégager son nez pour améliorer sa respiration. ► Réflexe de nage, ce sont les mouvements de bras et de jambes lorsque le bébé se retrouve le visage dans l’eau. ► Réflexe tonique asymétrique du cou, bébé couché sur le dos, sa tête tournée d’un côté, il étend son bras côté tête et fléchit celui opposé. Participe au développement de la coordination visuo-motrice. ► Réflexe tonique symétrique du cou (voir texte principal). ► Hoquet, bâillement, éternuement, déglutition, toux… sont également des réflexes primaires, qui, eux, persistent.

EN SAVOIR +

► Renseigne notamment les (rares) conférences ayant lieu en Belgique et les (tout aussi rares) thérapeutes belges spécialisées. ► À lire : Maman, papa, j’y arrive pas, Colette Maisonneuve (Quintessence).

► ndlr: Plus d’inforamation aussi sur www.reflexes.org ►sur ce site ► chez nous 😉